Manifeste pour Olivier Theyskens.

S'il y a bien une chose que l'on ne peut pas enlever à la Belgique, c'est le talent des stylistes qui y sont originaires. Je pense à Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Walter Van Beirendonck, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs ou encore Marina Yee communément appelés les Six d'Anvers. Fraichement diplômés de l'académie royale des Beaux Arts d'Anvers, ils exposèrent leurs créations à Londres en 1986 et remportèrent un succès foudroyant auprès de la presse et ravirent également le coeur de nombreuses fashionistas. Dans la catégorie 'Je suis Belge, j'ai étudié la mode à Anvers et j'ai une carrière prometteuse", je pourrais également citer Alexandra Verschueren, jeune lauréate du Festival International de Mode et de Photographie d'Hyères, édition 2010. Elle s'illustra avec un très joli chapelet de silhouettes inspirées par le papier. Un remarquable opus structuré rappelant l'illusion façon origami.

Autre créateur dans cette veine là, et un de mes favoris : Olivier Theyskens. Pour le petit historique, Theyskens est né à Bruxelles en 1977 et étudia la mode à l'École Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre. Puis, il lança sa propre marque, mais à cause du manque de financement les débuts se sont montrés assez difficiles...Se débrouillant tant bien que mal, la gloire vient à sa rencontre lorsqu'il est désigné directeur artistique chez Rochas en 2002. Il aura suffi d'un seul défilé pour qu'il insuffle une nouvelle vie à la marque et la fasse renaître de ses cendres. Les rédactrices et les professionnels du milieu à travers le monde l'encensent, au tel point que le Council of Fashion Designer of America lui décerne le prix du Meilleur Créateur Étranger. En 2006, il fait un peu pas de plus en étant nommé DA de la maison française Nina Ricci.

(Nina Ricci A/H 08/09)

(Nina Ricci A/H 2007/08)

C'est durant son "mandat" chez Ricci que Theyskens gagna toute mon admiration. Il savait transformer les vêtements en oeuvres d'art, sans jamais tomber dans une excentricité de mauvais goût. Ce n'est surement pas la papesse, Wintour, qui me contredira. Dès ses premières années chez Ricci, elle le classa parmi les sept jeunes stylistes les plus talentueux dans son magazine (Vogue US, pour les incultes) et lorsque, malheureusement, la direction de la maison décida de lui retirer son poste de directeur artistique, jugeant ses collections de plus en plus éloignées de la réalité, la reine des glaces poussa un énorme coup de gueule dans son édito du mois d'avril 2009. Pour une fois, j'étais totalement d'accord avec elle. Le côté ultra-commerciale de la mode se fait de plus en plus ressentir : il n'y a plus de place pour la créativité. Le talent artistique est obscurci par l'aspect financier ainsi que la conjoncture économique défaillante. Ça a beau être la dure loi des temps présents, cela n'empêche, c'est réellement dommage qu'un tel génie se voit remercier à cause de son inventivité...



(Olivier Theyskens et Anna Wintour)

Par après Theyskens est donc resté sans emploi dans la mode, se contentant de quelques expositions par-ci par là et à l'écriture d'un livre, Olivier Theyskens : the other side of the picture ; livre que d'ailleurs je conseille vivement car il montre l'envers du décor de la mode au travers de superbes photographies.



Récemment, j'appris que le PDG de la marque américaine Theory fit appel à lui pour une collection capsule. Bien que je sois sûr qu'il réussira l'exercice avec brio, un mini-opus toutes les trois saisons ce n'est pas assez pour un créateur de son acabit ! Juste après la triste de mort de Lee McQueen, plusieurs rumeurs circulaient sur son remplacement. Les noms de Gareth Pugh et de Theyskens furent notamment mentionnés. Gardant l'espoir pour le belge à la longue chevelure noire, c'est avec beaucoup de tristesse, si je puis dire, que j'ai pris vent de la nomination de Sarah Burton à la direction artistique. Ok, elle fut le bras droit de McQueen pendant plus de 20 ans, mais ce n'est pas pour autant qu'elle réussira à faire vivre la magie mcqueeniène. Dans tous cas, attendons la prochaine fashion week parisienne pour en juger...




(Image du livre : Nina Ricci P/E 08)

L'instant utopique : Bernard Arnault, François Henri Pinault et tous les autres présidents des grands groupes de luxe, au prochain poste de DA qui se libère dans une de vos maisons, j'aimerais beaucoup que vous pensiez à mon petit Theyskens.

P.S : Surtout Balenciaga, parce que ce que Ghesquière y fait, c'est de la grosse mascarade... (je reviendrai peut-être dessus après).

2 commentaires:

LOla a dit…

Theyskens est aussi à mon avis un créateur extrêmement talentueux. Je regrette aussi ses collections très poétiques et faussement légères.
Mais, je pense que ce n'est pas un problème de commercial ou pas, car ses collections l'étaient(On ne retenait que les looks de soirs mais les looks de jours étaient très convaincants) mais les financiers qui voulaient tout très vite. Nina Ricci est une marque de parfum plus que de mode pour la plupart du grand public. Alors, pour qu'elle s'impose niveau mode dans l'esprit des gens, 5 saisons allaient être nécessaire.

Le succès de Tisci a commencé en 2007 avec la fameuse collection d'hiver. Givenchy est devenu mainstream (même s'il y avait déjà des fans) et depuis, pas une saison sans Givenchy...De même pour Balenciaga qui a commencé son expansion quand Tom Ford a fait intégré la marque au Gucci Group en 2001.

Theyskens n'a pas besoin à mon avis d'une relounge de maison. Son style est déjà trop connu de tous pour pouvoir exploser dans une autre maison (mais on sait jamais). Je pense que ce qu'il lui faut c'est comme Mc Queen de pouvoir créer sa marque. Mais la Force de Mc Queen comme pour la moitié des marques du Gucci était Tom Ford(encore lui) qui avait pour ambition de créer un groupe dynamique avec des talents incroyables. On peut voir que sa démarche est réussie. PPR niveau mode & créatif est au dessus de Lvmh(plus commercial).
Mais malheureusement, aujourd'hui, il n'y a plus quelqu'un d'aussi fou pour entreprendre de telles choses.

Je suis juste déçue quand je vois sa future collaboration. Mais bon, Tata Wintour est là elle lui trouvera quelque chose!

PS 1: Pk Ghesquière, je le trouve cool!
PS 2: Dsl pour le long commentaire!

Mister.Paks a dit…

Déjà, pas la peine de t'excuser pour le long commentaire :) J'adore.

Je pense vraiment que c'est pour des raisons commerciales qu'on lui a retiré son poste. Avant son arrivée, Ricci ne vendait pas tellement. Quand il est venu, ils ont cru que les ventes allaient décoller. Mais comme tu le dis, dans ces opus, c'est surtout le soir qu'on remarquait le plus. Vu excentricité de son jour, j'avoue, qui manque parfois de portabilité, les bénéfices n'ont pas été rendez-vous... Mais comme tu l'as dis, les financiers ont juste manqué de patience. Il aurait fallu le temps que les gens s'habituent à cette nouvelle image de Ricci..

D'accord pour PPR et LVMH.

J'ai pas encore vu les visuels de sa collection pour Theory. Je vais check ça.

Sinon, Ghesquière...Je trouve qu'il singe l'esprit Balenciaga... Je reviendrais dessus plus tard, when i have the time.